Une chute. Un genou qui pivote violemment. Crac. La douleur. «Je connaissais bien cette voie, je l’avais déjà réussie à une séance précédente, mais j’étais fatigué, sans doute moins concentré sur la réalisation de la voie.» Il est midi, Julien, un jeune informaticien, vient de tomber d’un mur intérieur d’escalade en bloc. Il devine tout de suite que c’est grave.
Les grimpeurs présents l’aident comme ils peuvent et le personnel de la salle appelle rapidement les secours. Verdict: une luxation de la rotule, le ménisque et les ligaments sont touchés. Cela signifie une opération, des mois d’immobilisation et une longue rééducation.
Si l’on regarde les dernières statistiques, la mésaventure de Julien n’est pas unique. La plupart des grimpeurs subissent au moins une lésion - plus ou moins grave - liée à leur pratique. Le Bureau de prévention des accidents (BPA), qui recense les blessures, notamment dans le sport, décrypte ses chiffres: «On s’est rendu compte qu’il y avait effectivement une augmentation des accidents en escalade en salle, mais c’est surtout lié à la progression du nombre de pratiquants, explique Monique Walter, du BPA. Ce que nous avons également constaté, c’est qu’en bloc les cas sont plus nombreux, mais moins sérieux que lorsque la grimpe est pratiquée avec des cordes où les conséquences d’une chute sont généralement plus handicapantes.»
Dans les salles vaudoises, la question est très sensible. Difficile d’obtenir des chiffres précis concernant les accidents indoor. Aucune des salles contactées n’a souhaité nous transmettre ses décomptes, ou alors elles ne tiennent simplement pas de statistiques exactes.
Plus d’adeptes, plus d’accidents, logique.
Vraiment?
Un danger de mort bien réel
Aux yeux du BPA comme de la SUVA, l’escalade en salle et jusqu’à une longueur de corde n’est pas considérée comme un sport à risques. Secrétaire de l’Association suisse des guides de montagne (ASGM), Pierre Mathey en est convaincu: «La grimpe, lorsque l’on connaît les techniques d’assurage et de risques de chutes, en particulier en intérieur, ce n’est pas spécialement dangereux.»
Daniel Rebetez, administrateur de Grimper.ch, est du même avis. «Les accidents surviennent surtout lors de la pratique de l’escalade de bloc. Le nombre d’accidents
plus graves a, lui, plutôt tendance à baisser grâce au meilleur niveau de formation des pratiquants. Il y a une dizaine d’années les néophytes se formaient souvent «sur le
tas» alors qu’actuellement la plupart des débutants suivent une formation complète.»
Pourtant, ces dernières années, trois accidents mortels sont survenus sur des structures d’escalade intérieure en Suisse, une femme de 57 ans en 2000, un enfant de 9 ans il y a une année et un Bernois de 71 ans à la mi-septembre à Givisiez (FR).
Dans ce cas récent, la police, interrogée par «La Liberté», déroule les événements: «Les faits se sont déroulés le samedi 14 septembre, vers 13h45. La personne concernée est un homme de 71 ans, habitant le canton de Berne. La victime a grimpé seule. En montant, elle n’a pas attaché la sangle de l’autoassureur à son baudrier. De ce fait, elle grimpait sans être assurée. Arrivée au sommet du mur, cette personne a voulu descendre, comme si elle était assurée. C’est à ce moment-là qu’elle a chuté et est tombée dans le vide, d’une hauteur d’environ 9 mètres. Selon notre constat, il n’y avait aucune raison d’enquêter sur les infrastructures de grimpe de Bloczone (ndlr: une salle appartenant à Grimper.ch).»
Où est le maillon faible?
«Le nombre d’accidents dus aux infrastructures en Suisse est quasi nul», confirme Monique Walter, du BPA, avant d’ajouter: «Aucun contrôle n’est effectué lors de l’ouverture d’une salle. Nous nous sommes calqués sur les normes européennes et les gérants doivent les respecter. En cas de problèmes, les installations sont inspectées, et si une irrégularité devait être découverte, les propriétaires des installations pourraient être inquiétés.»
Donc si l’activité n’est pas dangereuse, que les infrastructures ne sont pas en cause, comment limiter les risques d'accidents?