La planète bleue submergée par les déchets plastiques

Désormais, une grande partie des étendues d’eau sont contaminées par des microparticules de plastique.

Par Olivier Wurlod

À quelques heures des sublimes plages hawaïennes, en plein Pacifique Nord, flottent des milliards de déchets, pour la plupart faits de plastique. Au gré des courants marins, circulaires et immuables, ces derniers finissent piégés dans des tourbillons géants baptisés «gyres», en référence au mot grec rotation. Une sorte de soupe géante, éparse, répugnante et surtout mortelle pour une grande partie de la faune marine. La taille de ces gyres est telle que les chercheurs parlent de «continents de plastique».

Il est nécessaire d’utiliser le pluriel, car désormais une grande partie des étendues d’eau de la planète sont atteintes, à tel point que certains scientifiques estiment qu’une «nouvelle espèce», certes non vivante, a envahi la planète. D’ici à quelques années, si rien n’est fait, les poissons avaleront autant de plastique que de planctons.

Cette pollution ne se limite d’ailleurs pas à l’eau salée, puisque les fleuves et les lacs sont tout également touchés. Prenez le Léman: une étude, réalisée par l’Université de Genève et parue mi-avril dans la revue Frontiers in Environmental Science, a prouvé que l’une des plus grandes étendues d’eau potable d’Europe était atteinte.

Le plastique, l’invention miracle du milieu du siècle passé, s’est donc transformé en un fléau sur lequel l’homme semble n’avoir plus aucun contrôle. «Aujourd’hui, il est difficile de trouver un endroit sur terre sans plastique. Nous sommes en train de plastifier notre planète», alertait Heather Leslie, toxicologue à l’Université libre d’Amsterdam, dans un documentaire diffusé par Arte. Les recherches les plus récentes le prouvent, à l’instar du vortex du Pacifique Nord, le plus grand du monde.

D’après une autre étude récente, menée par une équipe de biologistes marins et publiée dans la revue Scientific Reports, son étendue serait «4 à 16 fois plus vaste que prévu», et elle atteindrait la taille cumulée de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne. Ce qui équivaut à une décharge marine géante d’environ 1,8 trillion de déchets. Et chaque année ce sont de 8 à 10 millions de tonnes supplémentaires qui sont déversées dans les océans, soit le contenu d’un camion-poubelle chaque minute.

«La situation est dramatique et nécessite d’agir au plus vite pour protéger l’environnement du plastique», estime Pascal Blarer, spécialiste de cette matière synthétique au WWF Suisse.

Après s’être voilé la face durant des années, les gouvernements commencent à s’alarmer face à l’ampleur de cette pollution. Car, en se décomposant, la matière synthétique se transforme en microfibres de plastique, dont la récupération est actuellement impossible. Le problème est que ces particules finissent par se retrouver dans l’estomac des planctons et autres petits poissons, puis dans celui de prédateurs de plus grande taille tels que dorades, espadons et autres espèces marines dont l’homme raffole.

Des recherches ont démontré que cette source de pollution ne concerne plus uniquement les poissons pêchés: elle se retrouve dans d’autres aliments. En Allemagne, des recherches ont récemment découvert la présence de microfibres de plastique dans la bière, le miel, le sel de mer et surtout dans l’eau. Avec quelles conséquences pour la santé? Pour le moment les études sérieuses sont encore trop rares pour l’estimer clairement.

340 milliards

Le revenu de l'industrie du plastique en Europe

60'000

Le nombres d'entreprises actives et qui donnent du travail à 1,5 millions de personnes.

Emballage: 39,4%

L’industrie de l’emballage exploite de nos jours la plus grande partie du plastique produite et utilisée par l’homme. Si cette industrie poursuit sur cette voie, elle pourrait générer 310 millions de tonnes de plastique en 2050 (contre 78 millions en 2013).

125 kilos

La consommation moyenne de plastique des Suisses, pour un total d’environ 800 000 tonnes par an. 80% sont incinérées et seulement 80 000 tonnes recyclées.

Miel européen contaminé

Comme en Allemagne en 2013, la France s’est rendue compte des menaces que représentent les déchets plastiques sur la chaîne alimentaire. En passant au crible douze miels (conventionnel ou bio), le magazine 60 millions de Consommateurs a découvert que l’ensemble des échantillons étaient contaminés par des microplastiques! Dispersées dans la nature, ces microfibres seraient collectées par les abeilles en même temps que le pollen. En Suisse, aucune étude de la sorte existe, mais il est fort probable que nos miels soient aussi touchés.

56%

Les déchets plastiques exportés en Chine. L’Empire du Milieu est devenu non seulement la plus grande décharge de la planète, mais aussi sa plus grosse source de pollution.

500 millions de pailles

D’après certaines études, les Américains en utiliseraient autant par jour. Aussi légère et petite soit-elle, la paille est un fléau environnemental, faisant par exemple partie des détritus les plus ramassés sur les plages. Conscientes du problème, certaines villes américaines (Seattle ou Malibu) l’ont interdite. Une piste que compte suivre la Grande-Bretagne, le plus gros consommateur de pailles d’Europe avec 8,5 milliards par année. Une décision anticipée par McDonald’s Angleterre, qui n’utilisera plus que des pailles en papier dès le mois de mai. «Une solution à l’étude en Suisse», assure le géant du fast-food.

86%

Les déchets plastiques finissant dans les mers proviendraient de cinq cours d’eau asiatiques, dont quatre seraient chinois.
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