Dans ma boite mail, ce matin, un message de l’ambassade de Suisse. C’est confirmé, un vol quittera Oulan-Bator dimanche et j’ai une place dans l’avion !
Ma quarantaine n’aura duré que quelques jours et prend fin bien avant la date butoir du 28 mars. Gros soulagement. D’autant plus que selon les dernières infos, le gouvernement risque de poursuivre la fermeture du pays bien au-delà de la fin mars.

J’ai aussi un appel du consulat suisse, on me demande de rester si possible à l’hôtel, il y aurait encore, parait-il, de l’animosité envers les étrangers occidentaux dans les rues de la capitale. Oui, oui, on verra bien. Je dois encore remplir quelques démarches administratives et passer récupérer mon billet d’avion au siège de la compagnie nationale Mongolian Airlines. Arrivé sur place, je me rends compte que je ne serai pas seul dans l’avion, il y a de nombreux étrangers qui attendent comme moi de pouvoir quitter le pays.

J’étouffe dans cette chambre, je m’éclipse, déambulant dans cette ville sans charme. Où est-ce moi qui ne vois plus ?



Je traverse l’immense place Gengis Khan, vidée de ses passants. Transposition urbaine des steppes sauvages de ce pays. Je tombe sur les Beatles. Un monument leur est dédié comme symbole de liberté pour les jeunes du pays. Aujourd’hui, le symbole sert de tremplin pour des amateurs de BMX.



Plus tard, je me rends au monastère de Gandantegchinlin. C’est un grand temple bouddhiste de style tibétain. Des centaines de moines vivent là, mais peu sont visibles. Il règne une atmosphère paisible voire mystique. Seuls quelques pèlerins sont venus faire des prières, peut-être pour demander au coronavirus de nous laisser tranquille.



Je fini par gravir la colline qui mène au belvédère de Zaisan où un mémorial a été édifié en l’honneur des soldats russes tués pendant la deuxième guerre mondiale. La fresque commémorant l’amitié entre les peuples soviétiques et mongols est digne des plus belles illustrations de propagande de la grande république socialiste. Vestige glorieux au passé récent. La vue qu’offre le panorama sur la ville est éclatante. Oulan-Bator s’offre dans son ensemble, confirmant ma première impression.



Rentré à l’hôtel, je plie mes affaires, cette fois pour de bon j’espère, avant de quitter ce pays qui m’aura beaucoup apporté. Même si la sévérité des mesures mises en place par le gouvernement m’aura posé un nombre incalculable de problèmes, il faut bien avouer que c’est une réussite totale puisque le pays ne dénombre qu’un seul cas de Covid-19 alors que la frontière avec la Chine est de plus de quatre mille cinq kilomètres, l’une des plus longue du monde.

Ainsi je termine ce journal de bord d’une quarantaine écourtée. La durée de mon isolement ne m’aura finalement pas laissé le temps à l’ennui, à la lassitude et au manque de mes proches. Je m’y étais pourtant préparé.

J’ai reçu une avalanche de messages d’amis et collègues, tous très réconfortants et bienveillants. J’en suis un peu honteux à vrai dire. Je n’étais de loin pas enfermé dans une geôle sordide où des gardiens sadiques étaient prêt à m’égorger. J’ai bien sûr beaucoup d’informations sur les immenses difficultés que vivent toutes et tous en Suisse et je me dis que dans cette affaire c’était peut-être bien moi le privilégié.