«Des appels difficiles à digérer»

Pour la chercheuse québécoise Louise Saint-Arnaud, le stress chez les régulateurs des centrales d'urgence ne représente pas un danger pour la population. Au contraire!

Le travail dans les centrales d’urgence a encore très peu fait l’objet d’études psychologiques en Suisse et en Europe. Mais au Québec, il s'agit d'un véritable thème de recherche.Louise Saint-Arnaud, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, s'en est emparée. Elle est l’auteure de plusieurs études sur le travail de «ceux qui prennent le pouls d’une ville», comme elle le dit. Interview.

Quelles principales difficultés un centraliste d’urgence rencontre-t-il?

Ces personnes passent une quarantaine d’heures par semaine à écouter des personnes qui les appellent à l’aide après un vécu traumatisant. On n’en sort jamais complètement indemne. La principale difficulté est le travail nécessaire de métabolisation des affects pour liquider, pour traiter ce qu’ils ont entendu, qui est parfois particulièrement anxiogène.

Qu’est-ce que la métabolisation des affects?

La métabolisation, c’est la capacité à digérer ce qu’on vient de vivre, à digérer les affects soulevés par ce qu’on entend. Leur métier a une exigence particulière, celle de rester assis, d’être captifs sur un siège, alors qu’ils se trouvent face à une situation d’urgence. En temps normal, un pompier va agir face à un événement d’urgence, il bouge. Eux ne peuvent pas réagir de cette manière.

L’accumulation de ces situations stressantes fait-elle porter un risque à la population?

Non. C’est même plutôt le contraire. Ces personnes développent une maîtrise de ces situations, qui fait qu’elles sont plus à même d’apporter un service adéquat à la population. C’est un métier très peu visible du grand public, avec peu de reconnaissance par comparaison avec les équipes de secours sur le terrain.

Le stress provient-il de la crainte de ne pas comprendre la gravité d’une situation ou d’alarmer les mauvaises équipes?

C’est la crainte principale de ces personnes et elles doivent vivre avec cela. Pour s’en sortir, comme dans tous les métiers qui conjuguent son propre ressenti avec la souffrance de l’autre ou des situations à risque, ces personnes utilisent l’humour pour se protéger et développer des aptitudes d’endurance. Les recherches que nous avons faites au Québec ont mené à des groupes d’entraide pour discuter des appels les plus difficiles.

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