En jeu vidéo, la grande Histoire navigue entre romance et vérité

Des équipes d'historiens aident parfois les développeurs de jeux vidéos. Le but: mêler historicité et fiction, tout en garantissant le plaisir de jouer. Mais l'exercice a des limites

Textes: Mathieu Signorell

«Apprendre l’histoire avec l’un des jeux vidéo les plus célèbres du monde». La couverture du dernier bouquin consacré à la série de jeux vidéo «Assassin’s Creed», paru aux Éditions Les Arènes fin 2019, offre un programme alléchant. Sur plus de 400 pages, des spécialistes racontent la grande histoire qui entoure chaque opus de ce jeu de stratégie, dont le réalisme graphique à couper le souffle plonge le joueur dans plus de 2500 ans d’histoire. Il incarne le plus souvent un membre de la Confrérie des Assassins, aux prises avec les Templiers.

Mais concrètement, peut-on véritablement apprendre l’histoire grâce aux jeux vidéo, fussent-ils visuellement ultraprécis? Secondés par des équipes d’historiens maison, les développeurs d’Ubisoft notent aussi les limites de l’exercice. Historiens et médiateurs culturels spécialistes des jeux vidéo aussi. En gros, ces derniers permettent de plonger dans l’ambiance d’une époque et de mieux la comprendre, de se familiariser avec les technologies et les objets d’une période, et de mieux en connaître les logiques et la pensée. Et chaque univers donne une image de l’histoire à travers un filtre idéologique qui lui est propre.

Civilization VI (2K Games, 2016)

Victor Battaggion (photo) est le rédacteur en chef adjoint de la revue «Historia» et a dirigé l’ouvrage «Assassin’s Creed: 2500 ans d’histoire». D’ailleurs «Historia» travaille depuis plusieurs années avec Ubisoft et a primé plusieurs de ses jeux lors du Prix Historia, décerné chaque année.

«Apprendre en jouant? Je répondrais par un «oui» nuancé, explique Victor Battaggion. En jouant, on effleure l’histoire et on picore quelques informations. Le joueur engrange quelques petites connaissances par-ci, par-là. Par contre, le terme «apprendre» dans le sens de recevoir un enseignement, ne convient pas à un jeu vidéo.»

Pour lui, le raisonnement est identique dans le cas d’une fiction classique, comme un roman, une BD ou un film. «Le meilleur exemple, ajoute Victor Battaggion, c’est Dumas. Beaucoup de gens l’adorent, mais de nombreux éléments sont historiquement faux. Le joueur peut réellement apprendre en allant plus loin que le jeu vidéo, en se renseignant par lui-même.» Pour cela, les équipes d’Ubisoft ont d’ailleurs petit à petit intégré des informations optionnelles, directement accessibles en cours de partie dans certains menus du jeu.

Pour Victor Battaggion, le graphisme n'est pas déterminant. Prenons par exemple «Age of Empires III», sorti en 2005, dont l’univers visuel est bien sûr éloigné de la vérité. «Mais il m’a amené à faire de l’histoire, car j’ai passé des heures à lire des encyclopédies pendant que j’y jouais», explique Victor Battagion.

A lire: «Assassin’s Creed: 2500 ans d’Histoire»

Collectif, sous la direction de Aymar Azaïzia et Victor Battaggion, Les Arènes, 432 pages

Red Dead Redemption II (Rockstar Games, 2018)

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