Le pape,
Pop-star à Genève

Le 21 juin le pape François sera à Genève. Paroles de fidèles, souvenirs de Paul VI, mais aussi analyse d'historiens et programme complet: à quelques jours de cette visite historique, plongez-vous dans notre nouveau long format. Pour changer de chapitre, il vous suffit de cliquer sur la barre ci-dessus (ou sur le menu déroulant, en haut à droite, pour le mobile.)

«J’aime son côté Rock n’roll»

Ada Marra, conseillère nationale

Le 7 mai 2016, le Conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann est à Rome pour rencontrer le pape. Au programme, 20 minutes de discussion essentiellement sur la question des migrants. Dans la délégation suisse, la conseillère nationale Ada Marra n’aurait raté le voyage pour rien au monde.

Catholique pratiquante et socialiste, la vaudoise se fait régulièrement charrier par ses camarades de parti. «Ils se moquent de moi et de mes bondieuseries. Je leur répond simplement qu’ils pourront revenir quand ils rempliront des stades et lorsqu’en politique aussi nous aurons réussi à répondre au besoin de sens des gens». Mais pas de stade aujourd’hui. Simplement un face à face dans un bureau du Vatican. Que pourrait-elle bien lui dire ? Lui parler de son message rebelle sur les migrants ou la pauvreté? Qu’il pourrait aller plus loin sur les questions sociétales, comme les divorcés ou la pédophilie des prêtres? Un mot plus personnel pour lui apprendre qu’ado, elle est marquée par Jean-Paul II et ses rassemblements pour la Jeunesse? Son tour arrive. Un regard. Une poignée de main. Deux sourires. «Rencontrer le pape, c’est merveilleux et frustrant. Tout va très vite et le protocole ajoute une dose de stress.».

A la sortie de cette rencontre furtive, elle prend son téléphone portable et publie sur Facebook, «Non mais j'ai un peu honte de faire ça. Mettre ma propre photo sur Facebook. Mais là, je ne peux pas résister. C'était ce matin. Rencontre de la délégation officielle de la Suisse avec le Pape. Je me sens ridiculement une groupie mais ça fait rien. Avec le Président de la Confédération Johannes Schneider Amman qui faisait les présentations»

D’ou vient cette admiration pour le pape François ? «Il a un côté libertaire. Très rock n’roll. Ce n’est pas un pape qui est dans la morale. Il nous dit que l’on peut avoir des défauts. C’est un pape du vivre ensemble et non du repli identitaire. Ces actions pour les plus pauvres rejoignent mon action politique. Mais il ne faut jamais perdre son sens critique. Aujourd’hui, je suis assez forte pour réfléchir avec le pape et ne pas juste le suivre en groupie. Ce sens critique devrait être au cœur de toutes les religions».

«Ça donne envie d’y croire»

Arnaud Bédat, journaliste

Nous sommes en septembre 2016 dans un avion de la compagnie Alitalia qui se rend en Géorgie. C’est un vol papal. François circule dans l’allée principale de son avion. Il échange avec les quelques journalistes présents. C’est le moment que choisit le reporter jurassien Arnaud Bédat pour lui offrir un présent : une petite boite de chocolats. Le Pape rit aux éclats. Les pralinés proviennent de la chocolaterie Corso à Buenos Aires. Son enseigne préférée. Arnaud Bédat est fier de son coup. Il a établi une connexion.

Le journaliste romand est devenu en quelques années un spécialiste du pontificat de François. Il est l’auteur de deux livres sur le pape, François l’Argentin et François, seul contre tous. «On se prend de sympathie pour lui. C’est un être charismatique.». Pourtant rien ne laissait présager cette rencontre entre un pape et un journaliste qui a rompu avec l’église. «J’avais 13 ans quand mon père est décédé. Je ne comprenais pas pourquoi Dieu me l’avait pris. J’étais très en colère contre la religion. C’est là que j’ai décidé de sortir de l’église.». Aujourd’hui, il le concède : « en travaillant sur le pape François «ça me donne envie d’y croire».

Arnaud Bédat est en reportage à Rome le 13 mars 2013. Il assiste, sous une pluie battante, à l’annonce de l’élection du nouveau pape, le cardinal Jorge Mario Bergoglio. Le lendemain, il file à Buenos Aires pour en savoir plus sur le nouveau Pape argentin. Il rencontre sa sœur, «Je me rends compte rapidement, que c’est un mec pas banal. Il se comporte comme un curé de campagne. Il est proche des gens, des pauvres. Il va dans les bidonvilles. Et il vivait dans un deux pièces et demi! On peut tous s’identifier à lui. » Pourtant, il écrira son premier livre sans lui parler «J’avais peur d’être déçu car je l’avais pris en affection.». Mais la rencontre était inévitable. «Nous nous sommes serrés la main et échangés quelques mots. Étrangement, je n'étais pas impressionné. En le voyant, je me suis dit qu’il ressemble beaucoup à sa sœur (rire).»

«Quand j’ai su que je ne verrais pas le pape, j’ai pleuré»

Juliana Knoll, argentine établie en Suisse

«À 0 h 01, j’étais prête à prendre les billets pour la messe. J’ai attendu jusqu’à 2h du matin, sans succès. À 7 h 35, le site a indiqué que c’était complet! Quand j’ai su que je ne verrais pas le «papa Francesco», j’ai pleuré.»

Juliana Knoll, 40 ans, est née à Mendoza, en Argentine, le pays de Sa Sainteté. Elle raconte avec un accent chantant et un débit volubile qu’après des études en relations internationales, elle a voulu découvrir d’autres horizons et apprendre le français. Avant d’arriver en Suisse à 24 ans. «J’ai continué à aller à l’église, il y a une belle dynamique ici mais moins de monde dans les églises qu’en Argentine…»

Elle travaille aujourd’hui dans une agence de l’ONU, est mariée à Ralph et maman de jumeaux de 4 ans, Isabella et Rafael. La religion continue de l’imprégner. «Ma mère est très pratiquante. De ma fratrie, je suis la seule à avoir continué sur cette voie, c’est une fierté pour elle», sourit-elle. Que lui apporte la foi? «Ça m’aide dans mes moments de tristesse, lorsque mes proches en Argentine me manquent, je prie et je trouve du réconfort. Je remercie aussi pour tout ce que j’ai.»

Elle se rend à la messe tous les dimanches, avec enfants et mari, «même s’il est protestant». Ils comptaient assister à la messe du pape François tous ensemble. «Notre paroisse nous avait dit que nous pouvions prendre des billets sur Internet le 1er juin. Or, ils étaient déjà tous partis quand la billetterie a ouvert… raconte Ralph. Énormément de gens ont été fâchés et déçus, nous les premiers. C’est dommage, l’Église a été dépassée par les attentes.» Juliana ajoute: «On avait pris congé. On le regardera à la TV mais ce n’est pas la même chose. Si le papa savait qu’autant de personnes sont restées sur le carreau, il ne serait sûrement pas content!»

Ce pape a une signification particulière pour elle. Parce qu’il est Argentin, «mais surtout parce que je suis fière de ses actions, il a ouvert l’Église. Et parce que le jour où habuimus papam, le 13 mars 2013, nous avons appris que j’étais enceinte de jumeaux! Je me souviendrai toute ma vie de cette journée.» Son mari rajoute en souriant: «Et en plus de tout ça, le FC Barcelone s’était imposé 4-0 face à l’AC Milan la veille!»

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Textes: Aurélie Toninato, Pascal Wassmer
Vidéos: F. Thomasset, G. Cabrera, L. Fasler
Photos: Georges Cabrera/CIG/Keystone
Réalisation web: Frédéric Thomasset, Pascal Wassmer
Infographie: Gilles Laplace
Rédaction photo; E. Gastaldello, E. Parades
Correction: Nicolas Fleury, Alejandro Sierra

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