«Ma passion: lancer des haches»

Un nouveau sport fait sa place en Suisse romande: le lancer de hache. Le seul club vaudois fête ses deux ans cet été. Rencontre avec des adeptes loin de l’image du viking ou du bûcheron

Photos: Florian Cella
Vidéo: Catherine Cochard
Textes: Mathieu Signorell

Au bout d’une dizaine de minutes de marche dans la forêt des hauts de Jongny, les promeneurs débouchent dans une clairière où trônent un chalet, une table, un gril et quatre cibles de bois. Un paradis pour fans de tir à l’arc? Non. Ici se retrouvent les membres du seul club romand de lancer de hache.

C’est un sport encore méconnu et le «Axe Throwing Riviera» ne regroupe qu’une quinzaine de membres. La soirée débute vers 18h et les lancers de hache s’enchaînent entre deux saucisses et trois chips. Les plus courageux doivent effectuer 36 lancers car ils participent au championnat international qui réunit les scores sur Internet.

«Une arme? Non, une hache n’est pas une arme. C’est un outil», explique David, l’un des cofondateurs du club. «Mais il faut respecter des règles de sécurité pour la lancer. Il est par exemple interdit d’aller chercher sa hache si l’un des lanceurs ne l’a pas encore tirée.» Une quinzaine de minutes plus tôt, lorsqu’il est sorti de sa voiture en lisière de forêt, il a troqué son costume et ses chaussures de responsable de centres commerciaux pour un t-shirt, une chemise à carreaux rouges et une casquette.

Car ni lui, ni aucun autre lanceurs de la soirée n’est un bûcheron, contrairement au stéréotype associé à ce sport. Ce soir-là, les lanceurs s'appellent Gian-Pasquale le peintre en lettres, Vincent le graveur et même Sabina l’éducatrice sociale.

Le rituel est toujours le même: quatre lanceurs, chacun sur sa piste, à environ six mètres de leur cible respective. La plupart aiment utiliser leur hache à double tranchant, qu'ils tiennent à deux mains. Ils laissent d'abord pendre leur hache (qui pèse moins de deux kilos) dans leur dos, se cambrent pour prendre de l'élan et font passer leur hache au-dessus de leur tête.

«Il ne faut surtout pas faire bouger les poignets, sinon la lame risque de partir de travers», explique Vincent, responsable technique et membre fondateur du club. La hache fait un tour sur elle-même avant d'aller se ficher dans la cible de bois. Ou de passer à côté de finir dans la terre. Le coup de main, malgré tout, est vite pris.

Un sport? Cela ne fait aucun doute pour tous les lanceurs, qui cherchent ici tous la même chose: le calme, le vide à l'intérieur de soi et la concentration. «Je compare ce sport au tai-chi, car il faut répéter et répéter sans cesse le même geste dans sa bulle, jusqu’à atteindre la perfection, explique David. Ici il ne sert à rien d’être nerveux.»

Vincent, responsable technique et autre cofondateur du club, embraye: «Il n’y a pas besoin de grosse préparation physique. Mais il faut échauffer ses lombaires, ses épaules et ses coudes. Le poignet doit rester fixe pour ne pas influencer le mouvement de la hache.»

La Suisse compte cinq clubs de lanceurs de haches: celui de la Riviera donc, mais aussi deux en Suisse allemande et deux au Tessin. Certains combinent cette discipline avec le lancer de couteaux. Les championnats suisses regroupent quelques dizaines de lanceurs.

Pour l’instant, ce sport est surtout connu aux Etats-Unis et au Canada. Mais la World Axe Throwing League revendique plus de 100 clubs dans 16 pays. La National Axe Throwing Federation, elle aussi américaine, dit compter 36 clubs-membres, qui représentent 6000 lanceurs, dans huit pays.

Les lanceurs de la Riviera s'y sont mis par hasard. «Il y a une quinzaine, en camping avec les copains, j'ai lancé ma hachette dans une souche. C'est comme si j'avais trouvé du pétrole, raconte David. La fois suivante, nous avions tous notre propre hache.» Au fil du temps, le groupe de Vaudois construit ses propres cibles et les aménage dans le jardin d'un ami.

Il y a quelques années, ils réalisent que leur passe-temps est un véritable sport Outre-Atlantique et ils décident de créer leur propre club. Ils trouvent le terrain dans les hauts de Jongny, avec l'accord du propriétaire. «Nous avons tout réalisé nous-mêmes: les cibles et les pistes, ajoute David. Nous avons eu l'aide de l'agriculteur d'à côté. Nous ne lançons que sur nos cibles. Jamais sur des arbres vivants! Ce ne serait pas possible. Nous aimons tous la nature et nous tous aimons nous promener dans la forêt.»

© Tamedia