Emmanuel Borloz
«Sommes-nous seuls? La vie existe-t-elle ailleurs dans l’Univers?» Ces questions taraudent l’humanité depuis la nuit des temps. Après avoir nourri des décennies de science-fiction, ces interrogations vertigineuses sont entrées dans le champ scientifique dans les années 1960. Traquée de façon marginale dans un premier temps, avec des programmes américains tels que SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) qui ne savaient pas vraiment où chercher, l’éventualité d’autres formes de vie dans l’Univers a pris une tournure bien plus précise en octobre 1995. Lorsque le Vaudois Michel Mayor et son doctorant Didier Quéloz, de l’observatoire de Genève, ont annoncé la découverte de la première exoplanète de l’histoire. Baptisée 51 Pegasi b, elle est située à plus de 50 années-lumière de la Terre, dans la constellation boréale de Pégase. À cet instant précis, les chasseurs d’autres mondes ont disposé de zones de recherche plus précises. Conséquence: la traque de la vie ailleurs a poussé des centaines des chercheurs à choisir cette voie, alors qu’elle était plutôt marginale et même moquée jusque-là.
Trop loin pour une fusée
Depuis cette annonce fracassante qui a fait la une de la prestigieuse revue «Nature», il ne se passe pas une journée sans que Michel Mayor soit interpellé sur la découverte qui a changé sa vie et qui pourrait bien lui valoir un jour le prix Nobel. «Soyons honnêtes, nous étions bien conscients que notre découverte allait faire du bruit. Mais nous ne nous attendions pas à un tel raz-de-marée médiatique. Nous pensions que les choses se tasseraient après quelques mois. Or ça ne s’est jamais calmé.»
Avec désormais quelques centaines de planètes qui orbitent autour d’une autre étoile que le soleil à son tableau de chasse, l’astrophysicien star n’est pas rassasié. Mais ses recherches se concentrent désormais sur des objets bien précis. «De petites planètes rocheuses, idéalement placées dans la zone dite habitable de leur étoile, là où l’eau liquide peut exister en surface.» Et ce pour tenter de répondre à la question ultime de la vie extraterrestre. «Nous voulons savoir ce qu’est la vie. Est-ce un sous-produit inéluctable de l’évolution de l’Univers lorsque les conditions sont favorables? Ou, à l’inverse, s’agit-il d’un phénomène rarissime qui, pour des raisons incroyables, ne s’est développé que sur Terre?» s’interroge le scientifique.
Les énormes distances nous empêchant d’envoyer des fusées ou des sondes pour aller vérifier sur place, la traque doit donc se faire à distance, depuis des télescopes implantés sur la planète bleue, envoyés en orbite terrestre ou, pourquoi pas, installés sur la Lune. Comment? «En cherchant des biomarqueurs, des signatures dans l’atmosphère de ces planètes, qui indiquent que la vie s’y est développée. La présence d’oxygène serait une indication très forte. On peut aussi citer le dioxyde de carbone, le méthane ou d’autres molécules. Idéalement dans des proportions bien précises, pour qu’il n’y ait aucun doute.»
La méthode des transits
En attendant l’avènement d’outils et de techniques plus pointus mais compliqués à développer, la quête de la vie ailleurs passe par la méthode dite des transits. «Lorsqu’une planète passe devant son étoile, son atmosphère filtre une infime partie de sa lumière. Nous analysons le spectre et comparons les écarts de luminosité.»
Intimement convaincu, «comme l’immense majorité des astrophysiciens et des scientifiques qui travaillent sur la question», que la vie existe ailleurs, Michel Mayor n’en met pas moins en garde contre certaines attentes. «Il ne faut pas penser à la vie telle qu’on la connaît, faite de bipèdes intelligents. N’oublions pas que, historiquement, la plus grande partie de la vie sur Terre a été unicellulaire.»