Les polémiques font feu de tout bois

La fausse querelle des origines

Un légende voudrait que le grand voyageur et marchand vénitien Marco Polo ait ramené d'Asie l'idée de la pizza. On ne compte plus d'ailleurs les pizzerias baptisée «Marco Polo», comme un hommage à celui qui ramena ce plat d'extrême orient. Cette belle histoire n'a rien d'historique. Cependant, on peut trouver de nombreux ancêtres à la pizza, y compris en Asie, qui associent une pâte et une garniture. Les Chinois consomment depuis la nuit des temps une sorte de galette de farine de blé et d'eau, nommée bing. Une pizza se dit d'ailleurs bisa bing en chinois aujourd'hui...

Rien n'atteste donc qu'une recette ait été ramenée d'Asie jusqu'en Italie. Le Vénitien ne mentionne nullement une telle découverte culinaire dans le récit de son voyage. Ce qui est sûr, c'est que e plat napolitain a été popularisé sur le continent asiatique par les contingents d'italo-américains envoyés en Corée dans les années 50. La pizza s'est peu à peu installée pour devenir un mets très apprécié d'une péninsule asiatique au top de la mondialisation. Au point qu'une des grandes chaînes de pizzerias soit aujourd'hui coréenne.

Créée en 1990, cette multinationale à l'enseigne de «Mister Pizza» (près de 500 points de vente en Corée du Sud et une soixantaine en Chine) a même ouvert quelques restaurants aux États-Unis. Son PDG, Jung Woo-hyun, connu pour son humour pince sans rire, a fait réaliser une vidéo publicitaire qui est très vite devenue virale, démontrant, preuves fabriquées à l'appui, que l'origine de la pizza est coréenne et non italienne.

Vidéo: MR PIZZA KOREA CO, LTD.

Dessins d'époque, pièces archéologiques, séquences montrant des manifestants coréens avec des pancartes dénonçant le voleur Marco Polo devant des pizzerias italiennes, tout tend à soutenir la thèse. Quand on découvre une statue de Bouddha surmontée d'une sorte de chapeau carré et plat, censée préfigurer la boîte à pizza, ce canular qui tourne sur internet atteint des sommets.

Quand la mafia s'en mêle

On ne compte plus les films et les séries qui mettent en scène des mafiosi attablés en salle ou dans l'arrière-salle d'une pizzeria de Little Italy, à New York, ou ailleurs. Ces petits restaurants ont longtemps servi de couverture aux activités illégales de la mafia. Dans les années 70, une organisation nommée la Pizza Connection a ainsi pris la suite de la French Connection dans l'importation d'héroïne aux États-Unis et aurait blanchi près d'un milliard et demi de francs, somme issue de ce trafic, pour le placer en Suisse.

On retrouve aujourd'hui des références à la mafia dans de nombreuses pizzerias. En Suisse et ailleurs, des restaurants Al Capone ou Lucky Luciano ont pignon sur rue. Le lien peut être encore plus fort qu'une simple image. Ainsi, la propre fille de Toto Rina, le parrain des parrains siciliens, a ouvert un restaurant Corleone à Paris!



Quand la chaîne internationale Pizza Hut a voulu lancer en Belgique une pizza mexicaine baptisée «El Chapo», en référence au parrain de la drogue du cartel de Sinaloa, ce nom n'a pas été reçu avec la même indifférence. Sur les réseaux sociaux, puis dans la presse, les protestations furent si nombreuses que Pizza Hut dut débaptiser sa pizza pimentée pour se contenter du nom «Pizza mexicana».

La pizza aux ananas

Personne n'aurait imaginé qu'une histoire de pizza puisse tourner à l'affaire d'État. Ni que ce scandale quasi planétaire naîtrait ailleurs qu'en Italie. C'est pourtant en Islande que la polémique sur le bien-fondé de garnir une pizza de morceaux d'ananas a pris un tour polémique. Nous sommes en février 2017. Le président de la République d'Islande, Gudni Johannesson, visite un lycée d'Akureyri, une ville au nord du pays. À la question d'un élève sur les pouvoirs de la présidence, Gudni Johannesson répond sur le ton de l'humour que, personnellement, il interdirait volontiers la pizza aux ananas, mais que seul le parlement pourrait le faire en votant une loi.

L'écho de cette déclaration à l'emporte-pièces a aussitôt gonflé sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, un sondage mesure le rapport de force entre les détracteurs de la pizza hawaïenne et ses soutiens. La côte du président, en poste depuis six mois, s'est envolée à la suite de cet épisode. Mais la polémique gonflait tellement que le président a dû faire marche arrière et s'expliquer.

Depuis, il a trouvé un sérieux soutien en la personne du chef cuisinier et critique gastronomique Gordon Ramsay. «L'ananas n'a rien à faire sur une pizza!», déclarait ce cordon bleu et gardien du bien cuisiner. Présente sur la carte de nombreuses pizzerias, la pizza aux ananas, l'Hawaïenne cache ses origines. Car elle n'est pas née dans l'île du Pacifique. Elle a été inventée dans les années 60 par un restaurateur grec installé au Canada!

Le fromage analogue

Un des ingrédients principaux de la pizza Margherita, c'est la mozzarelle, le fromage de lait de bufflonne. Le fromage constitue 15 à 20% du coût de production d'une pizza. Et la mozzarella coûte cher. Certains fabricants de pizza industrielle ont trouvé la parade: il utilise ce qu'on appelle un fromage analogue, ou Lygomme ACH optimum, un ersatz de fromage qui ne contient ni lactose, ni calcium et qui coûte beaucoup moins cher que le vrai fromage.

Il est apparu sur le marché en 2007, lancé par la multinationale américaine de l'agroalimentaire, Cargill. Depuis, il s'est immiscé dans de nombreuses préparations alimentaires industrielle et notamment dans les pizza surgelées.

Si vous achetez une pizza Margherita ou une 4 fromages très bon marché, il est fort à parier que le fromage n'en est pas et qu'il s'agisse d'un substitut composé de matière grasse, farine, levure, sel, amidon et exhausteurs de goût. Cette pratique scandalise les amateurs de pizza authentique et les gardiens de la tradition.

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