Les voyages des papes

Les papes sont mobiles. Que disent d’eux les destinations choisies? Et François qui multiplie les voyages en Amérique latine? Eclairage et analyse.

Que disent les voyages des papes

Ces voyages, qu’on appelle des «visites pastorales», sont aujourd’hui à la fois des visites d’un chef de l’Église et d’un chef d’État. C’est pour cela que des membres du gouvernement accueillent généralement le pontife. «Jusqu’à la fin du Moyen Âge, les papes ont toujours été mobiles», raconte Michel Grandjean, professeur d'histoire du christianisme à l'Université de Genève et théologien protestant. Mais ils ne cheminent pas toujours pour faire passer des messages.

À l’époque de Napoléon, Pie VII – son nom a beaucoup fait rire les Français – traverse la France. «Il n’a pas ouvert la bouche, tout au plus a-t-il fait des signes de bénédiction. Le peuple se contentait de le regarder passer, voire de baiser l’une de ses mules… Le pape était alors, pour la foule, davantage quelque chose que l’on montrait, plutôt que quelqu’un qu’on viendrait écouter. Cela a bien évolué.»


Paul VI lors de son arrivée à Genève le 10 juin 1969

Les papes des XIXe et XXe siècles (jusqu’à l’époque du concile Vatican II) ne se risquent pas en dehors de l’Italie, parfois en dehors de Rome. Avec l’unité italienne, les papes se disent prisonniers du Vatican: impensable de quitter l’Italie, car ils risquent de ne plus pouvoir revenir.

C’est Paul VI (pontificat 1963-1978) qui remet les voyages pontificaux à l’ordre du jour. «Il a été le premier depuis la Révolution française à reprendre les voyages hors d’Italie en se rendant à Jérusalem, en plein concile Vatican II (janvier 1964). C’était époustouflant, il a frappé les esprits.» Il finit par tellement voyager qu’on le surnommera le «pape pèlerin».


Illumination en l'honneur de Jean-Paul II à Cracovie en Pologne

Jean-Paul II (pontificat 1978-2005) poursuit ce mouvement et effectue près de 130 déplacements, «à raison d’un tous les trois mois. Il s’est notamment rendu une dizaine de fois en Pologne, son pays d’origine. Ces voyages ont leur importance: Jean-Paul II n’est pas pour rien dans la renaissance catholique en Pologne, comme force d’opposition spirituelle et politique au communisme, et tout cela a joué un rôle dans la chute de l’Empire soviétique.»

À l’inverse, continue l’historien, certaines de ses visites sont beaucoup moins heureuses. «Notamment en Amérique latine, où des théologiens catholiques ont essayé, par exemple, d’enseigner la contraception aux populations. Jean-Paul II est arrivé, a pris la parole et diabolisé la contraception… Des dizaines d’années de travail de sensibilisation sont alors parties en fumée.»

Les voyages de François



Le pape François a déjà bien voyagé, surtout en Amérique latine – mais pas en Argentine, son pays d’origine. «Il s’est rendu au Sri Lanka, au Bangladesh, en Égypte, et oui, plusieurs fois en Amérique latine. Mais plus qu’une volonté de retourner sur son continent, je pense que ces voyages mettent en évidence que le christianisme n’est plus dans sa majorité occidental.


Fresque murale représentant le pape François dans un quartier de Buenos Aires

La démographie chrétienne a radicalement évolué au XXe siècle, son centre de gravité s’est déplacé. Il y a cent ans, deux tiers des chrétiens vivaient en Europe. Aujourd’hui, c’est à peu près le quart seulement! La chrétienté (et pas seulement la chrétienté catholique, d’ailleurs) s’est développée en Amérique latine, du Mexique au Chili, mais aussi en Afrique et en Asie.»

«La démographie chrétienne a radicalement évolué au XXe siècle»
Quant à la venue de François à Genève, au COE, cela montre sa grande considération pour les chrétiens non catholiques, indique l’historien. «C’est une reconnaissance de l’œcuménisme et des personnes qui œuvrent à le promouvoir, c’est un symbole fort.»

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