Erwan Le Bec


Dans les tranchées, Genevois de la ville, Vaudois des campagnes et Bâlois des usines, se retrouvent mêlés à une foule de vocabulaires des provinces encore bien présents au début du siècle. Les vétérans rapporteront un argot qui fait encore partie de notre quotidien un siècle plus tard.

Beaucoup passe par la bouche. Le cuistot est le cuisinier militaire qui prépare la tambouille et le rata. Un embusqué est un planqué, celui qui préfère rester à la cuisine, la roulante, qu’en première ligne. Le régime extrêmement carné des combattants répand des viandes de mauvaise qualité. Bidoche était d’abord le nom des chevaux de bois des forains. Il rejoint barbaque, pour parler d’un morceau quelconque.

La cuisine et la nourriture prennent une grande importance au front. Une grande partie du vocabulaire des poilus y est liée.





Pinard, c’est la munition qui a permis de tenir, du rouge de mauvaise qualité toutefois. Du rab, c’est le reste pour le lendemain, mais la sardine, c’est le gallon d’un officier. Ce que n’a pas un pauvre troufion du front. Celui qui manque de se faire zigouiller, trucider donc, sous les obus qui tombent, appelés les marmites. Le barda, désignait alors le bagage de campagne, lourd et pénible. Bourrin, pour mauvais cheval, vient aussi de l’argot militaire.

Maous, comme synonyme de remarquable ou impressionnant, est cité par Dorgelès, l’auteur des «Croix de bois.» Aux pieds, godasse ou godillot se dit parfois ironiquement escarpin. Pépère, c’est le coin tranquille.

À côté, les soldats des colonies apportent aussi leur vocabulaire. Les tirailleurs font parfois ramadan, qui a donné le ramdam, le tapage, le vacarme. La nouba arabe n’est pas loin. Tout comme le toubib des Algériens. Et si le no man’s land est resté, personne ne se souvient par contre qu’une valse diplomatique a eu désigné des échanges d’artilleries ou que le séchoir désignait un barbelé, sur lequel restaient parfois accrochés des jours durant les cadavres des copains.